La GFP comme marqueur




Les * indiquent une référence au lexique qui se trouve en bas de page de chaque partie.



Une découverte révolutionnaire:


image n°1
Synthèse d'une protéine associée à la GFP

   L’une des principales fonctions de la GFP, qui constitue une avancée considérable dans le domaine de la médecine, est son rôle de traceur dans l’organisme vivant. C’est en 1988 que Martin Chalfie, professeur des sciences biologiques, a l’idée d’attacher le gène codant pour la GFP à celui codant pour une autre protéine, afin d’en faciliter le traçage et suivre son comportement dans des organes internes d’un organisme vivant et de ses cellules. Pour cela, il insère le gene de la GFP, avant le codon stop, qui met fin à la traduction de l’ARN en chaîne polypeptidique ( image 2 & 3). La forte fluorescence émise par la GFP permet une grande visibilité et un suivi précis, et ne nécessite l’ajout d’aucun composant. C’est une méthode non invasive : elle agit sans passer par les tissus cutanés comme la peau, ni par les muqueuses. Elle est également non toxique pour les organismes dans lesquels on l’injecte. Lorsque la cellule a besoin d’une protéine pour son fonctionnement, elle envoie un signal au gène correspondant qui active alors la transcription* puis la traduction* de ce gène (deux étapes de la synthèse de protéines) pour permettre la production de la protéine codée ( image n°1 ).
   Quand un gène affilié à celui codant pour la GFP est activé, on est donc capable de voir les cellules pour lesquelles ce gène est activé ainsi que les lieux de production de la protéine correspondant à ce gène.
Cette fluorescence verte n’est bien sûr visible que sous lumière noire (ou UV)

image n°2 : 
Gène codant une protéine.
La protéine est synthétisée après lecture du brin transcrit de l'ARN messager et assemblage de ses acides aminés
par correspondance avec les codons de l'ARNm (à l'aide du code génétique).


image n°3 
Insertion du gène codant la GFP juste avant la lecture du codon stop 
du brin transcrit, par l'ARN polymerase, codant pour la protéine de l'image n°2.
La protéine affiliée a la GFP est alors localisable in vivo sous lumière U.V.


Une palette de couleurs
                  
   Pour visualiser et différencier des protéines en interaction, il était essentiel de développer une palette de couleur. C'est ce que Roger Y.Tsien et son équipe ont réussi a réaliser en modifiant la séquence des acides aminés de la GFP, au niveau du chromophore ( formé de Ser65-Tyr66-Gly67 ), entre 1994 et 1996. L'avantage de ce que l'on peut appeler les GFP mutées est d'émettre plus rapidement de la lumière et d'une manière plus accrue. Il existe également d'autres protéines fluorescentes spontanées, comme la DsRed, qui a un maximum d'excitation a 558 nm et une longueur d'onde d'émission maximale est à 583 nm. Elle est au corail Discosoma, ce que la GFP est a la méduse Aequorea Victoria. Les mutants de ces protéines sont obtenus par mutagenèse, en remplacant des bases azotées, en modifiant la séquence de l’ADN ou en l’endommageant. Par exemple, en remplacant l’acide aminé Ser65 par Thr65 ( threonine ), on obtient le mutant GFP65T qui est excitable a 470 nm,et fluoresce six fois plus que la GFP. On arrive alors à une large palette de couleurs, qui comprend à la fois les mutants de la GFP ( eYFP, eCFP, eBFP,.. ) mais aussi ceux de la DsRed ( mBanana, mCherry, mStrawberry... ).

image n°4
Palette de couleurs obtenue par mutation de  la GFP et de la DsRed 

   Toutefois, les variants ont également leurs limites. Tandis que la GFP tolère des températures allant jusqu’à 65°C et un pH de 5,5 à 12,2, la eYFP ( Yellow Fluorescent Protein ), ne peut fluorer uniquement à une température inférieure à 37°C et à un pH acide, donc inférieur à 7.


image n°5
Brainbow d'une souris, par Jean Livet
,  professeur a l'université d'Harvard.
On observe 90 nuances distinctives
de la GFP fluorant les neurones
.
La souris, possède un système nerveux dense  En 2007, l’incroyable expérience du brainbow ( contraction de brain, qui signifie cerveau, et rainbow, arc-en-ciel ) est publiée dans le magazine scientifique Nature. Elle consiste à colorer les fibres nerveuses de la souris, de plusieurs couleurs différentes, grâce aux protéines mutantes, les différenciant les unes des autres. Les images obtenues en microscopie à fluorescence ( voir image n°5 ), soulèvent l’avancée esthétique des sciences. Marquer les neurones* permet de connaitre leur migration, leur rôle quant au développement cérébral mais aussi de dresser une sorte de carte du système nerveux. Cela pourrait permettre une meilleure connaissance du cerveau et l’identification de maladies neurodégéneratives* comme la maladie d’Alzheimer ou celle de Parkinson. Ce suivi dans les neurones est notamment rendu possible grâce à la petite taille de la GFP.
 Dernièrement, une variante de la GFP a donné naissance à un thermomètre moléculaire. En effet, une protéine mutée clignote de moins en moins vite avec l’augmentation de la température de l’organisme dans lequel elle fluore.



Le suivi d'une tumeur chez une souris

   L'une des autres utilisation de la GFP, dans le domaine médical, encore au stade de recherche, est de suivre la progression d'une tumeur maligne* ( ou cancéreuse ), c'est-à-dire une prolifération anormale de cellules. A ce jour, cette méthode non invasive est uniquement testée sur des animaux de laboratoire.
   Nous nous intéresserons au suivi d'une tumeur chez une souris. Des scientifiques ont réussi, en introduisant dans l'organisme de la souris un virus* spécifique au cancer ( qui aggrave la tumeur ) contenant dans sa séquence en nucléotides le gène codant pour la GFP. Ainsi le virus va s'introduire dans la zone tumorale et l'illuminer entièrement et spécifiquement, ce qui permettra ensuite d'observer l'évolution de la tumeur in vivo*, sous lumière noire ( ou U.V ). Toute la tumeur étant marquée génétiquement par la GFP, ou par ses mutants, les chirurgiens ont pu retirer l'ensemble de la tumeur. Cette méthode pourrait d'ici quelques années être utilisée pour soigner des tumeurs humaines.
   Sur les images ci dessous, le suivi se fait à l'aide de la RFP, variante de la GFP. La souris, sans ses poils présente une tumeur du lobe pariétal droit. On observe son évolution ( voir images ci-dessous ).


1ere semaine apres l'insertion du virus 
3 eme semaine apres insertion du virus
5eme semaine apres insertion du virus



Lexique de " La GFP comme marqueur "

Transcription : copie de l'information génétique contenue dans l'ADN, sur un brin simple, l'ARNm.

Traduction : les ribonucléotides de l'ARNm sont traduient en acides aminés. Ces acides aminés sont assemblés par correspondance avec les triplets de l’ARNm grâce au code génétique .

Neurone : cellule nerveuse constituant la base du système nerveux

Virus : particule microscopique infectieuse. Les virus sont en général des germes pathogènes, c'est-à-dire qu'ils engendrent des maladies. Toutefois, ils ne peuvent pas se multiplier à l'extérieur des cellules de l'organisme qu'ils ont infectées.

Maladie neurodégénérative  : maladie affectant, de manière progressive, le système nerveux souvent détériorant les neurones.

Tumeur maligne : augmentation du volume d'un tissus cellulaire pouvant s'étendre à distance de la zone affectée.

In vivo : examen de recherche pratiqué sur un organisme vivant. Le terme d'in vivo, qui, en latin signifie " au sein du vivant " s'oppose a celui d'in vitro ( " dans le verre " ) ou d'ex vivo ( " hors du vivant " ).